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Presse : Le fack-cheking et sa magie de tuer - PANA RADIO
Presse : Le fack-cheking et sa magie de tuer - PANA RADIO

Le monde de l’information est en perpétuelle mutation, et subit aujourd’hui des secousses de ceux qui travaillent à ne manipuler l’information qu’à leur faveur. Face à cette réalité combien évidente, le journaliste doit s’armer contre la propagation des informations déroutantes de la société. A l’issue des recherches méticuleusement menées de ce côté-là, la nécessité de la magie de tuer ces fausses informations s’impose. Quelle place occuperaient alors le fack-cheking, l’investigation ou encore le data journalisme  comme techniques efficaces de vérification des faits pour contrer les infox ? C’est à ces préoccupations que répond cet article, qui met tout de même en lumière, les dessous autour des infox, leurs causes et conséquences et une idée sur leur éradication.

Alors que le monde vit aujourd’hui, au rythme d’une série de mutations, le Journaliste doit-il rester statique et/ou indifférent face à une nécessité de s’adapter aux changements technologique, idéologique et professionnel de l’heure ?  Certains y répondraient par oui, d’autres peut-être par non. Pourtant, « il n’y a pas de plus dangereux qu’un informateur mal informé ou sous-informé »…

Si l’on veut donc contrer cela, l’on doit remettre tous les journalistes au banc d’apprentissage. C’est le bien fondé du projet : Masomo ya habari, kelasi ya nsango en Lingala, ou Ecole de l’information en Français, un projet implémenté par le réseau des journalistes pour la paix et le développement REJOPAD et appuyé par l’ambassade des Nations Unies. Son coordonnateur, Serges SIKULI, indique que le projet inclue « la formation des Journalistes en première ligne contre les rumeurs, la désinformation, et la Mésinformation par la maitrise de l’information et la vérification des faits, dans les 26 provinces de la République Démocratique du Congo ».

En ville de Goma, une trentaine de journalistes venus de Kalehe, Minova et Bukavu au Sud-Kivu et des territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo au Nord-Kivu notamment, ont été formés en cette thématique entre le 13 et le 14 Novembre 2023. C’est plus ou moins après l’étape du même exercice à Lubumbashi dans le haut-Katanga, dans le Nord-Est du pays.

A l’issue de ladite formation, nombreux participants ont fait preuve de leur satisfaction. Car aujourd’hui, surtout à l’heure du numérique, le professionnalisme du Journaliste est menacé par la vogue d’informations pour la plupart tronquées, désorientées ou taillées sur mesure, selon que l’on est de tel ou tel autre courant politique, pour chercher justement à entrainer l’opinion dans un sens voulu…

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Selon le Professeur Didier MUKALENG MAKAL, Journaliste et chercheur à l’Université de Lubumbashi en RDC, plusieurs courants politiques ou idéologiques ont, depuis des années, investi les medias pour imposer leurs opinions, les attribuant au public, pour influencer telle ou autre décision.

Pourtant, c’est en voulant imposer des opinions qui ne sont pas forcément l’expression d’une population pour laquelle on prétend les attribuer, que naissent des voies de manipulation qui parfois, emballent même les journalistes. Malheureusement !

La prudence…

Le Journaliste est parfois incapable de contrer les fausses opinions, au point qu’il se trouve de plusieurs fois victime d’indigestions d’opinions des uns ou des autres… Et face à tout ça, le professeur MAKAL, appelle les Journalistes à la prudence, à ne jamais véhiculer les rumeurs, les injures, les insultes, auxquels peuvent recourir certains leaders d’opinion pour nuire à leur cible. Pour MUKALENG, quoique l’opinion soit un droit pour toute personne, elle devrait néanmoins, tenir compte des principes tels que la décence, le respect de l’ordre public, et le respect de l’autre. Et le journaliste devrait y veiller pour se rassurer qu’il ne sert pas de cavalier vecteur des discours nuisibles à la vie de la société.

Une antivaleur légitimée…

La propagation des fausses opinions est une antivaleur, mais devenu en tout et pour tout, une évidence. Malheureusement ! Et dans la plupart des cas, certains journalistes tombent dans cette erreur de propagation des fausses opinions ou mieux des fausses informations, y compris celles qui peuvent attiser des conflits et embraser la société. Or, regrette Didier Mukaleng MAKAL, quand des opinions des gens naissent des conflits et que « ces conflits confondent physiquement les personnes », le danger devient de plus en plus imminent. C’est pourquoi, le Journaliste devrait se méfier d’en faire propagande, conseille Fidèle KITSA TUKINALWA, enseignant à la « Congo-Chek académie ».

FIDÈLE KITSA, journaliste reporter et formateur chez CONGO CHECK ACADÉMIE

Fidèle se désole du fait que nombreux journalistes, s’investissent dans la course de la dissémination des fausses opinions, y compris des informations non vérifiées. Et dans ce contexte, le fack-cheking doit s’imposer, une façon de contrevérifier certaines opinions enfin de ne pas les laisser s’embarrer de la société, car, insiste-t-il, « les fausses informations tuent plus que les pandémies ». Par ailleurs, il arrive que certains journalistes tombent dans le piège des manipulateurs, en partageant leurs fausses informations, soit en prenant carrément position pour ces derniers. Si nombreux le font sur fonds d’une manipulation avérée, d’autres visent à créer du buzz, en quête justement du vedettariat. C’est très dangereux, prévient Fidèle. L’idéal est loin de là, pour un Journaliste. Lui, doit plutôt s’informer et se former davantage, il ne doit en aucun cas prendre parti, et plus encore, il doit se rassurer que via tous ses canaux de diffusion, que ce soit sur les réseaux sociaux, il partage du contenu qui ne soit pas de nature à désorienter la société.

Les infox et leur puissante magie de la désorientation

Il n’y a pas qu’en ce siècle contemporain que les mensonges ou fausses informations inondent les sociétés. Les fausses informations ou fake-news datent d’il y a plus de vingt-cinq siècles, font découvrir Fidèle KITSA et le professeur Pierre SANAH de l’université de Kinshasa en RDC. En outre, si dans le passé la vitesse de propagation des fake-news était assez peu lente, actuellement la donne a changé. La naissance suivi du développement des réseaux sociaux a créé un climat propice à la dissémination des infox, qui peuvent être revêtus des formes telles que la Mésinformation, le tronquage, ou encore la malinformation. A ces facteurs favorisant la propagation des infox, insinue le Professeur SANAH, il faut ajouter l’accélération du rythme de production des fausses informations, la facilité d’accéder à l’information grâce au web et le manque de vigilance.

Par ailleurs, les infox visent dans tous les cas, à manipuler l’opinion, pour des fins politiques et idéologiques, le vedettariat pour des fins économiques, notamment par le système de paiement des publications sur base des vues, ou encore la facilité de prise de parole par un grand public, renchérit le professeur. Mais dans tout cela, la désorientation de la société est au centre des préoccupations des auteurs des infox. Voilà pourquoi tout le monde devrait faire attention, car les conséquences qui en découlent sont souvent incalculables.

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Le grand combat contre les infox

Connu de son public comme la seule source de l’information, le Journaliste devrait être le plus informé de tous. Or, il est tout comme tout citoyen, exposé une vanne d’infox, si bien qu’à toute moindre erreur, il est susceptible de partager des fausses informations. C’est pourquoi, dans son quotidien, le journaliste doit être rigoureux dans la récolte, le traitement et le choix de l’information à diffuser. Il doit entériner la nécessité permanente de s’habituer aux différentes techniques de vérification des faits : le fack-cheking.

Le fack-cheking

Technique de vérification par excellence, le fack-cheking constitue une sorte de police contre les infox. Il s’appuie en outre, sur des connaissances ou de maitrise de certains outils en lien avec l’évolution de la technologie. D’après l’Ingénieur Bienfait Kasereka, enseignant en sciences et technologies à l’Université de Kinshasa en République Démocratique du Congo, en mesure que se développent des infox, en mesure les moyens de leur détection se développent aussi. Faudra-t-il alors s’y adapter et savoir les manipuler.

Ainsi, en cas de vérification des photos pour lesquelles on doute de l’authenticité, il est par exemple conseillé de recourir à certaines applications comme Getty-image, Tineyer, Google image, Google fact cheker et bien d’autres. Ces applications permettent de lever des mensonges autour des images partagées parfois dans les réseaux et auxquelles on colle des fausses légendes. S’agissant par ailleurs des documents, le meilleur test consiste à les traiter via l’application I love PDF, qui présente plusieurs options de vérification des documents.

La méfiance des scoops et la triangulation

Le plus souvent, prévient Fidèle KITSA, se fier aux scoops conduit à la diffusion des informations non vérifiées, et c’est dangereux ! Les journalistes devraient en être prudents. Il recommande le recours à la triangulation des sources, à la culture de recoupe de toute information, y compris celles venant des sources officielles. Cela permet de se mettre à l’abri du partage des fausses informations ou tronquées. Et dans la mesure où les sources principales sont difficiles à atteindre, il vaut mieux de recourir aux sources proches de la cible principale.

L’investigation

L’investigation est une technique suffisamment efficace pour lutter contre les infox, laisse convaincre le professeur Clément MUKEBA, de l’Université de Kinshasa, UNIKIN. Mais pour que l’investigation aboutisse à des résultats probants, la rigueur, les compétences sur le sujet à traiter, le sens d’éthique et la rigueur méthodologiques, doivent, comme qualités ; caractériser tout journaliste qui s’y investit.

Dans ce contexte, le journaliste doit, pour récolter les informations, faire recours aux techniques telles que l’observation, l’interview et l’analyse documentaire. Par ailleurs, le journalisme d’investigation exige un sens élevé de critique. Face à un document par exemple, explique le professeur, le journaliste doit en analyser méticuleusement la nature, le statut de l’éditeur et le contenu. Quand bien-même il se ressourcerait sur internet, le journaliste devrait avoir à l’esprit, le réflexe d’analyser profondément le contenu devant lequel il se trouve : la date de publication, l’agencement et la cohérence d’idées, l’auteur, la crédibilité des sources citées,…

Le Journalisme d’investigation, renchérit alors le Professeur Bercky KITUNGU de l’Institut facultaire des sciences de l’Information et de la communication IFASCIC de Kinshasa, c’est aussi le sens d’aller au-delà de ce qui se dit, se voit, et se lit. Mais face à cela, tout comme son homologue Mukeba, Kitungu est formelle : « la vérification stricte de toutes les informations rencontrées sur l’internet doit être de rigueur ». Tout simplement parce que l’internet, « peut même être utilisé par des gens qui ne prennent pas ou alors jamais la vérité pour une valeur… ». La récolte des informations sur l’internet, c’est aussi se rassurer que le site visité n’est pas un faux. C’est pourquoi, il doit contenir des signes de sécurité et de viabilité comme : https et non le contraire.

Après une étape si fascinante et de dure récolte des informations, la façon de les transmettre au public doit incarner une sérosité. Et une information est jugée sérieuse, lorsque le journaliste qui la produit a pris soins de citer plusieurs sources crédibles, et surtout avec des données chiffrées, preuves qu’il a fait le terrain. C’est le journalisme des données ou data-journalisme.

Le data journalisme

Appelé aussi data-journalisme, ce type est né vers les années 1800. Mais ce n’est qu’autour des années 2000, fait savoir le Journaliste Jonas KIRIKO, coordonnateur de Info-Nile en RDC, que ce journalisme a pris de l’essor, si bien qu’autour de 2010, le monde tenait son tout premier conclave sur le data journalisme. Curieusement, les années 2019, cette donne de journalisme devenait de plus en plus vulgaire, au point qu’aujourd’hui, il a intégré le journalisme scientifique, et sert toute l’humanité pour lui présenter des informations basées sur les chiffres.

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En tant que tel, le data journalisme peut aussi ou fait souvent appel à d’autres formats de partage d’information, explique Jonas, c’est à titre d’exemple le géo-journalisme, le graphisme ou encore l’audio-visuel. Et c’est là qu’il devient le plus souvent complexe, de part même son sens intégrateur d’une tactique pluridisciplinaire.

A en croire toujours KIRIKO, il est aujourd’hui, partant des principes du data journalisme, possible de produire des articles qui intègrent des notions mathématiques avec l’intervention des diagrammes ou des graphiques, des cartes de géolocalisation ou encore des vidéos et des photos ayant trait à la thématique autour de laquelle on centre sa production. Voilà qui justifie même qu’en soi, le journalisme des données se donne la lourde tâche de « trier, de présenter des données crédibles et en faire une histoire, au profit de son auditoire ».

Il importe en revanche de savoir, que le journalisme des données est aussi basé sur le sens et l’obligation de rendre compte. C’est pour des raisons aussi évidentes que celles-là, que l’auteur d’un « data article » doit aussi indiquer les sources de ses données pour mettre son public en confiance qu’il n’invente ni ne crée rien. Ainsi donc, tous les facteurs ci-haut combinés, constituent la magie de tuer les infox, pour la diffusion justement d’une information potable et exempte de toute critique.

John TSONGO, Journaliste et écrivain Africain passionné des questions de science, environnement et recherche des solutions aux problèmes du millénaire

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