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Monde: Encore la presse pleure ! - PANA RADIO
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La RDC a enregistré 500 cas d’atteintes à la liberté de la presse en cinq ans du mandat de Félix Antoine TSHISEKEDI. En la même période, 86 Journalistes sont morts de part le monde et nombreux autres sont en détention. Ce qui inquiète encore, plus moins 1700 journalistes sont morts assassinés ces vingt dernières années… Quid sur les contours autour de la situation ? Nous en faisons un décriptage dans cet article.

L’atmosphère a été aussi sombre que la circonstance, ce jeudi 2 Novembre 2023 à Goma, en RDC, à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les Journalistes. Oui, la circonstance en laquelle « Journaliste En Danger »(ONG de défense des droits des journalistes) a présenté la synthèse du rapport peu reluisant intitulé : « Le Bilan de la liberté de la presse sous le premier mandat du Président Félix Tshisekedi ».

En RDC, et Goma de surcroît, le contexte a plus été celui de la mémoire du passé annuel dur et amer, après d’énormes pertes des journalistes sont le faciès resté en gravures rupestres peine à disparaitre.

Si tel a été le cas à Goma en RDC, en Abidjan l’heure a plutôt été la mémoire de deux journalistes français d’heureuse mémoire, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés à Kidal, au Mali, en 2013. Il a été à Abidjan même, question de projeter le documentaire: « Sahel, le désert de l’information », puis dévoiler : Joseph KAHONGO et Ange Joël Agbla comme lauréats du concours Ghislaine Dupont et Claude Verlon, en mémoire de qui Radio France Internationale fondait la bourse.

En revanche, à Goma, JED a présenté la synthèse du rapport annuel peignant la situation du Journalisme en RDC. Et, par surprise, le représentant de JED au Nord-Kivu, Tuver Wundi, annonce 500 cas d’atteintes à la liberté de la presse et 5 assassinats entre Novembre 2022 et Novembre 2023… « Des statistiques stressantes »!

Lire aussi : RDC, mouroir ou oasis des journalistes ?…

Ce rapport chagrinnant de JED est formelle! Et sa synthèse du rapport se résume en ces mots in texto:

Rapport JED 2023 : Plus de 500 atteintes contre la presse dont 5 journalistes tués durant le premier mandat du Président Félix Tshisekedi

JOURNALISTE EN DANGER (JED)

Pour diffusion immédiate

Urgent

RD Congo – Communiqué

Le 01 Novembre 2023

02 novembre : Journée Internationale contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes

Rapport JED 2023 : Plus de 500 atteintes contre la presse dont 5 journalistes tués durant le premier mandat du Président Félix Tshisekedi

A l’occasion de la célébration, jeudi 02 novembre 2023, de la Journée Internationale de la fin de l’impunité des crimes commis contre les journalistes, Journaliste en danger (JED) publie son Rapport annuel sur « Le Bilan de la liberté de la presse sous le premier mandat du Président Félix Tshisekedi ».

Un quinquennat considéré comme celui de tous les espoirs pour les journalistes congolais, après le long règne de Joseph Kabila à la tête de la RDC et qui était marqué par des brimades, des attaques et fermetures des médias, des arrestations et violences allant parfois jusqu’aux assassinats des journalistes. Le mandat de Tshisekedi était alors présenté comme celui de la rupture entre l’ancien régime et le nouveau pouvoir, issu de la première alternance politique et pacifique du pays. Le Président Félix Tshisekedi s’étant engagé, dans son discours d’investiture, à faire des médias « des véritables 4è pouvoir » ; à œuvrer pour le respect des droits fondamentaux, et à sensibiliser les forces de sécurité au respect des droits et libertés des journalistes à exercer leur mission d’information sans crainte des représailles ».

Dans son rapport 2023, JED fustige les promesses non tenues du nouveau Président et constate qu’aucune action d’envergure n’a été prise, ni sur le plan politique, ni sur le plan judiciaire, ni sur le plan sécuritaire, pour rendre plus sûr l’exercice du métier de journaliste, en dépit de l’adoption d’une nouvelle Loi sur la presse issue des Etats généraux de la Communication et des médias qui n’a jamais été publié au Journal Officiel, plus de huit mois après sa promulgation par le Chef de l’Etat.

Pour JED, les conséquences de ces promesses non tenues se traduisent par des assassinats, des menaces, agressions et arrestations des journalistes ; les fermetures et pillages des médias, enregistrés, chaque année depuis son avènement au pouvoir à savoir : 85 cas (2019) ; 116 (2020) ; 110 cas (2021) ; 124 cas (2022) et 88 cas (2023).

Au total donc, durant le premier mandat de Tshisekedi, le Service de monitoring de JED a enregistré au moins 523 cas d’attaques diverses contre la presse dont 5 journalistes tués ; au moins 160 cas d’arrestations des journalistes ; plus de 130 journalistes et professionnels des médias qui ont été victimes des menaces ou des violences physiques. Sans oublier, les médias qui ont été attaqués, fermés ou des émissions interdites, soit 123 cas enregistrés.

Le Rapport-bilan de la liberté de la presse sous Félix Tshisekedi met également en exergue les cas des journalistes tués ou portés disparus particulièrement dans les provinces de l’Est de la RDC en proie à la violence des groupes rebelles. Au moins 3 journalistes ont été tués au cours de l’année 2021, et un journaliste porté disparu depuis décembre 2020, après avoir été enlevé par des miliciens. Il s’agit de :

• Héritier Magayane, journaliste de la RTNC, station locale de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu, qui a été tué, le 8 août 2021, à l’arme blanche par un groupe d’hommes non autrement identifiés ;

• Barthelemy Kubanabandu Changamuka, journaliste à la Radio Communautaire de Kitshanga (CORAKI FM) émettant de Kitshanga, une localité de la province du Nord-Kivu, assassiné, le 9 mai 2021, dans l’enclos de son domicile par deux hommes armés en tenue civile ;

• Joel Mumbere Musavuli, directeur de la Radio Communautaire Babombi, émettant à Biakato, chefferie de Babombi, territoire de Mambasa, dans la province de l’Ituri, ainsi que son épouse qui ont été attaqués à l’arme blanche, le 14 août 2021, par un groupe d’hommes non autrement identifiés. Le journaliste a succombé de ses blessures tandis que sa femme était grièvement blessée ;

• Bwira Bwalite, directeur à la radio communautaire de Bakumbole, station émettant de Kalembe dans le territoire de Walikale (Nord-Kivu. Il a été enlevé par des miliciens, le 16 juin 2020 et son corps n’a jamais été retrouvé.

Les enquêtes annoncées au lendemain de ces assassinats, en vue d’identifier leurs auteurs ou commanditaires, ainsi que les mobiles de ces crimes n’ont jamais été diligentées.

Alors que s’annoncent des nouvelles échéances politiques cruciales, notamment l’élection présidentielle, dans un climat de tension et de suspicion, généralement hostile à la liberté de la presse, JED considère que la sécurité des journalistes est l’une des clés essentielles de la réussite d’un processus électoral fiable et transparent.

Depuis le début de cette année électorale, JED a documenté au moins 88 cas d’attaques diverses contre les journalistes et contre les médias qui se répartissent de la manière suivante

– 40 cas de violences physiques

– 30 cas d’arrestations ou interpellations

– 18 cas de fermetures des médias fermés ou d’interdiction des programmes ou émissions politiques

Au moment de la publication de ce rapport, au moins trois journalistes croupissent en prison en RDC. Il s’agit de:

– Patrick Lola, journaliste indépendant, arrêté et détenu depuis le 22 novembre 2021, à la prison centrale de Mbandaka, à l’Equateur ;

– Blaise Mabala, journaliste à la Radio « Même Moral FM » émettant à Inongo dans la province de Maî Ndombe, arrêté depuis le 20 octobre 2023, et incarcéré à la prison centrale de Inongo pour outrages à l’autorité ;

– Stanis Bujakera Tshiamala, correspondant du magazine Jeune Afrique, également directeur de publication adjoint du site d’information congolais Actualité.cd. Il a été arrêté le 8 septembre à l’aéroport de Kinshasa-Ndjili. Depuis le 14 septembre 2023, il est détenu à la prison centrale de Makala, à Kinshasa. Le journaliste est accusé de “faux en écriture”, “falsification des sceaux de l’État”, “propagation de faux bruits”, suite à la publication d’un article sur le site Internet de Jeune Afrique, le 31 août, signé par sa rédaction. Cet article mentionnait un rapport attribué à l’Agence nationale des renseignements (ANR) dont les autorités congolaises contestent l’authenticité et mettant en cause des renseignements militaires dans la mort de Chérubin Okende Senga, ancien ministre des Transports et Député de l’opposition.

Pour Tshivis Tshivuadi, Secrétaire général de JED, « Quels que soient les motifs avancés pour justifier cette arrestation, tout laisse croire que cette affaire est plus politique que judiciaire. Raison pour laquelle, JED demande au Président de la République, en sa qualité de Magistrat suprême, de lancer un signal fort pour marquer la fin de son premier mandat, en ordonnant la libération du journaliste Stanis Bujakera, victime d’un acharnement judiciaire alors qu’il doit bénéficier de sa présomption d’innocence, et de tous les autres journalistes arbitrairement privés de leur liberté en provinces».

Dans un Appel lancé, le 19 octobre 2023, aux candidats à l’élection présidentielle du 20 décembre, Reporters sans frontières (RSF) leur demande de s’engager à soutenir la liberté de la presse et promouvoir la sécurité des journalistes, et d’affirmer leur soutien à la demande d’abandon des charges contre le journaliste Stanis Bujakera dont le procès est en cours.

Lire aussi: Classement mondial de la liberté de la presse 2023: les dangers de l’industrie du simulacre 

Zoom sur l’Afrique

Partant des données fournies par Reporter sans frontières, il se fait voir que la situation de la liberté de la presse en Afrique est mitigée. Le continent a par exemple enregistré « quelques hausses notables, comme celle du Botswana, (65e) qui gagne 30 places, l’exercice du journalisme est globalement devenu plus difficile sur le continent où la situation est désormais qualifiée de “difficile” dans près de 40 % des pays (contre 33 % en 2022). C’est le cas notamment au Burkina Faso (58e), où des chaînes internationales ont été suspendues et des journalistes expulsés et plus généralement de la région du Sahel, qui est en train de devenir une zone de non-information », mentionne RSF.

Ce n’est pas tout! Le berceau de l’humanité a enregistré plusieurs assassinats de journalistes, note le Rapport, c’est comme le cas de Martinez Zongo au Cameroun (138e), sans omettre les cinq cas d’assassinat de la RDC. En Érythrée en outre, qui sort d’ailleurs (174e), « la presse reste soumise à l’arbitraire absolu du président Issaias Afeworki », s’inquiète RSF.

Gros plan sur la presse d’outre-mer

Le continent européen semble un bon élève en matière de respect des libertés de la presse, suivi du continent américain, puis celui d’Asie où les crises entre l’Ukraine et la Russie ou encore entre l’Israël et la Palestine ont suffisamment joué pour beaucoup en la dégradation du bon climat d’exercice du journalisme.

Clin d’oeil sur la presse dans le monde…

86 Journalistes sont morts dans le monde en seulement 2023, rapportent UN news et unesco.org, c’est une augmentation de 50 % contrairement à l’année précédente. Sous ce climat, 50 à 150 Journalistes meurent chaque année dans le monde, à en croire statista.com.

Et, dans le sens presque similaire, Franceinfo rapporte qu’au moins 80 Journalistes meurent chaque année, ajoutant tout de même que plus ou moins 1700 journalistes sont morts dans les circonstances diverses au cours des 20 dernières années.

Reporter sans Frontière note dans son édition 2023 portant sur le classement mondial de la liberté de la presse que « la situation est « très grave », selon ses propres termes.

Et d’ajouter, je cité: « La situation est “très grave” dans 31 pays, “difficile” dans 42 et “problématique” dans 55, alors qu’elle est “bonne” ou “plutôt bonne” dans 52 pays. Autrement dit, les conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans 7 pays sur 10 et satisfaisantes dans seulement 3 pays sur 10 », précise cette édition, qui évalue, il faut le rappeler ; les « conditions d’exercice du journalisme dans 180 pays et territoires du monde » et publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse chaque année qui passe.

Faut-il alors abandonner le Journalisme ?

« Non »! répond Jacques Vagheni, coordonnateur du collectif des Radios communautaires du Nord-Kivu « CORACON ». Pour lui, « nous devons aider JED à réduire les chiffres des cas d’atteintes à la liberté de la presse… ». Car, poursuit-il, « ça vend une mauvaise image du pays ». Ce Journaliste senior, pense plutôt que comme nombreux parmi les cas d’atteintes à la liberté de la presse sont issus du fait que certains Journalistes n’ont pas respecté les loi et déontologie du métier, il y a lieu de changer la donne. Ce, pour laisser à JED, l’occasion de rassembler les Journalistes non pas pour leur parler des violations de leurs droits, plutôt pour les recycler et les rendre encore beaucoup plus performants.

John TSONGO, Journaliste et écrivain Africain passionné des questions de science, environnement et recherche des solutions aux problèmes du millénaire

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