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RDC-CENI 2023: Un processus électoral de tous les défis ? - PANA RADIO
RDC-CENI 2023: Un processus électoral de tous les défis ? - PANA RADIO

Le jour est enfin arrivé. Mercredi 20 Décembre 2023, plus ou moins 44 millions d’électeurs ont rejoint les centres de vote pour élire un président, 500 députés nationaux, plus de 700 députés provinciaux et les conseillers municipaux. Mais du début à la fin, le processus électoral de cet épisode s’affiche comme celui de tous les défis ! Tout porterait à croire que la CENI n’a organisé les élections que pour un simple plaisir, ou satisfaire un camp  ?

CENI, entre mérites et particularités

Contrairement aux vagues de prédiction de la non tenue des scrutins dans le délai, la commission électorale nationale indépendante CENI RDC, a organisé les élections générales le 20 Décembre 2023, en vertu de la constitution du pays et de la loi électorale. Les scrutins de 2023 présentent à cet effet, la particularité de s’être étendus sur des territoires autres que la RDC, permettant aux plus ou moins 13 milles congolais de la diaspora de voter au Canada, en Belgique, en Afrique du Sud ou encore aux Etats-Unis. C’est également lors de ces scrutins de 2023, que les Congolais ont choisi depuis plus de 30 ans, les conseillers municipaux. C’est enfin le processus qui a consommé plus ou moins 1,5 Milliards de dollars mais avec suffisamment d’irrégularités.

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La CENI face aux défis d’une élection contre nature ?

La CENI a dû faire face à un grand défi logistique. Sur un territoire immense, deuxième plus grand pays du continent africain, quatre fois plus grand que la France, sans infrastructures routières ferroviaires aéroportuaires… cela n’a fait que révéler irréversiblement défis majeurs auxquels ont fait face les congolais : la Mauvaise organisation des équipes de la CENI qui ont tout apprêté en retard, que ce soient les dispositifs électroniques de vote (DEV) ou l’affichage des listes électorales, occasionnant un retard de deux ou plusieurs heures avant le début des opérations et des pannes techniques observées dans des centres de vote, suite au manque d’autonomie des batteries, soit à un défaut de maîtrise de la manipulation des kits par les agents. 

Des effectifs fous

C’est un processus électoral exceptionnel de par même l’engouement tant du côté des candidats que des électeurs. Tenez, contrairement à 2018 où la CENI avait enregistré plus ou moins 38 500 000 électeurs, en 2023 elle a enrôlé 44 millions d’électeurs, qui se sont bousculés dans 75 000 bureaux de vote pour élire leurs dirigeants, en dépit des irrégularités observées.

Du côté des candidats en outre,  plus ou moins 100 000 dossiers de candidatures ont été traités et validés à la centrale électorale, dont 44 milles pour 700 postes à la députation provinciale, 25 000 candidats députés nationaux, 19 candidats à la présidentielle dans la course, après le désistement de 7 en faveur de Moïse Katumbi et plus ou moins 31 mille aux postes de conseillers municipaux. Les différentes missions d’observation ont quant à elles déployé plus ou moins 60 000 observateurs à tous les niveaux, pour se rassurer que les scrutins se déroulent de façon apaisée et sans fraude.

La CENI et ses premiers crachats sur le peuple Congolais

C’est une première dans l’histoire des élections en RDC. Le 20 décembre 2023, l’étape du déploiement des kits électoraux a été confondue au vote lui-même, ce qui a tout perturbé. Le constat fait à travers la république est tel que, tous les bureaux de vote ou presque, ont connu un retard à l’ouverture, avec un impact sur le déroulement de toute la suite du processus.

“Il est déjà 8h passés, le vote n’a même pas commencé dans trois  centres, les électeurs impatients, rentrent pour vaquer à leurs occupations”, témoigne un journaliste qui a fait le tour de plus ou moins cinq centres de vote en ville de Goma. La même situation a vécu à Tshikapa, Bandundu, Kinshasa, Bunia, Butembo, Mbandaka, Bukavu, Lubero, Beni, à en croire nos confrères oeuvrant dans ces zones à l’instar de Paul Richard Malengela, Emmanuel Elameji Wa Kabedi, Mervedi KALMER, ou encore Irène Mboma, Kiza Byamungu et Marc Marro FIMBO, qui ont tous confirmé retard de déploiement des kits, affichage tardif des listes des électeurs, manque de noms des électeurs sur les listes électorales et Manque d’électricité dans certains centres pour alimenter les dispositifs électroniques du vote DEV.

Des personnes du 3ème âge sacrifiées

Alors que la loi donne priorité aux personnes du 3ème âge à accéder aux bureaux de vote, le cas n’a pas été évident jeudi 20 Décembre 2023. Les agents de la CENI avait un choix, entre se concentrer sur un apprentissage tardif et de rattrapage de l’outil du vote, l’installation précipitée des kits et découdre avec les citoyens tribulants qui s’impatientaient car bourrés de gloutonnerie de voter. En conséquence, plusieurs personnes du 3ème et autres à mobilité réduite, ont dû rebrousser chemin sans élire, alors qu’elles avaient été les premières dès l’aube, à relier les centres de vote. hélas !

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Même l’application de vote à distance n’a pas fonctionné

Le long de la préparation du processus, la CENI avait pourtant assuré à maintes reprises, qu’il était possible de voter via une application mobile. Mais le 20 Décembre, rien n’a marché. Plusieurs citoyens dont Neema KAHINDO rencontrée par Denise Kyalwahi, n’ont pas voté alors qu’ils s’étaient contentés de faire recours à cette voie. “Le dispositif en ligne n’arrive pas à retrouver les noms et numéros des électeurs. l’application CENI RDC Mobile est un dispositif mis en place par la CENI pour faciliter les électeurs à retrouver leurs noms sur la liste électorale électronique mais hélas certains n’arrivent pas à retrouver leurs noms sur ladite liste”, regrette Neema KAHINDO après 4 tentatives infructueuses de vérification sur les listes devant les bureaux de vote et 3 autres tentatives en ligne mais sans succès.

Des incidents de campagne font irruption lors du vote

Déjà depuis le début de la campagne électorale, plusieurs incidents ont été signalés: le cas de la mort d’un partisan d’ensemble pour la République à Kindu, l’assissinat d’un candidat député à Beni, la séquestration d’un candidat président à Kinshasa Franck Diongo par des militants de l’UDPS, des bagarres dues à l’intolérance politique et autres, l’on note également des tensions dues par moment à l’interdiction de certains candidats à accéder à tel ou tel autre espace stratégique lors de leur campagne, le cas du stade des Martyrs à Kinshasa, où seul Félix Tshisekedi a pu accéder.

En outre, ces incidents ont malheureusement été signalés dans plusieurs centres de vote, se soldant par des bagarres, des saccages des kits ou des bureaux de vote tout entier, soit parce que les électeurs n’ont pas pu voter, soit parce qu’ils soupçonnent les agents de la CENI de vouloir user de la manoeuvre de tricherie. Parmi les centres ayant enregistré ces incidents l’on mentionne Mudjipela à Bunia, un centre de vote qui a été saccagé par des déplacés de guerre en colère, du matériel de vote a été détruit à Tshikapa, alors qu’à Goma au Nord-Kivu, à l’Ep Katendere notamment, “les électeurs très en colère ont cassé les vitres de la salle en voulant accéder dans le bureau de vote par force”.

De nombreuses entités dépourvues du vote

Si au Nord-Kivu les territoires de Rutshuru et Masisi n’ont pas voté suite à la guerre du M23, au Sankuru tout comme dans le Lomami, nombreuses entités n’ont pas connu de vote. C’est tout aussi comme dans le Maindombe à Kwamouth notamment dans l’Ouest du pays. ça rappelle le scénario de 2006 où les deux Kasaï n’avaient pas connu d’enrôlement. Pour tenter de rattraper certaines de ces erreurs, on ne sait en vertu de quelle loi, la CENI a signé un communiqué autorisant la poursuite des opérations de vote dans plusieurs centres où aucune opération n’a pu se dérouler faute de déploiement du matériel en temps. C’est une première dans l’histoire électorale du pays, qu’un vote s’étende sur deux jours, quand on sait que les opérations de dépouillement avaient déjà été déclenchées dans des bureaux qui avaient ouvert le 20.

Perturbation des élections, la CENI au centre des rafales

Toutes les voix ne semblent reconnaître les efforts de la CENI qu’au seul point d’organiser les scrutins dans le délai. Mais pour le reste, il s’agit “d’un chaos électoral qui fait la honte du pays”, il s’agit encore, d’une “parodie électorale que le pays ait connu dans son histoire”, dénoncent et regrettent de façon convergente toutes les bouches de l’opposition. 

D’ailleurs, cinq candidats à la présidentielle ont, dans une déclaration de mercredi soir, exigé la démission de Dénis Kadima, président de la CENI, et l’organisation des “bonnes élections” dans un “bref délai”. Cette déclaration exprime trois émotions: d’abord le désespoir de ces candidats qui avouent leur échec de facto, ensuite les premières bases de la contestation des résultats dans les moments post-électoraux et la non maturité des auteurs de la déclaration… Car, tenant compte de la troisième émotion, comment penser que la CENI qui n’a pas été à la hauteur d’organiser des “bonnes élections” après 5 ans de préparation, pourrait être en mesure d’en organiser un autre dans un “bref délai”? C’est utopique !

Ces candidats tentent de mettre en cause l’indépendance de la CENI, mais son président s’en méfie, car la CENI est « fortement jalouse » de son indépendance, rétorque Denis KADIMA son président. Il place les communications de plusieurs, comme une série “d’efforts visant à diviser la population”,  il prévient que cela  est “inacceptable”. Car, poursuit-il, “Chaque citoyen doit pouvoir exercer son droit de voter en toute sécurité, quelle que soit son allégeance politique et sans crainte de violence ou de représailles”.

La CENI face à un rattrapage raté ?

« Les bureaux qui ouvrent en retard vont rattraper le retard en respectant les 11 heures de fonctionnement pour le bureau de vote » a rassuré à la mi-journée Denis Kadima, poursuivant que « le principe est qu’aucun congolais ne soit laissé de côté ». En foi de cette déclaration, plusieurs bureaux de vote ont prolongé les heures de l’opération espérant répondre à cette exigence mais sans y parvenir. A Bukavu, Lubumbashi et Goma, les électeurs sont allés jusqu’à 22 heures, espérant toujours voter, d’autres ont même passé nuit dans les bureaux de vote à Goma notamment, en attendant qu’ils puissent accomplir leurs devoirs civiques.

Pas d’électricité, pas de route, plusieurs entités connaissent une insécurité, mais le vote s’est poursuivi jusque tard. “A 21h passée, au centre de l’Institut Faraja, les femmes commencent à s’endormir car impatientes. Les DEV n’ont pas d’énergie dans plusieurs bureaux”, a témoigné un confrère, avant que Daniel Makasi ne poursuive: “J’ai voté sans carte d’électeur. La machine n’avait pas d’énergie. Il a fallu remplacer la batterie. Je laisse au centre de vote plusieurs centaines de personnes dont des femmes avec leurs enfants et de personnes de troisième âge qui ne sauront pas quitter ce lieu”.

Dans un climat aussi opaque que celui peint ci-dessus, plusieurs électeurs n’ont pas pu voter, car sont rentrés craignant pour leur sécurité. Le temps qu’ils pensent se rattrapper le lendemain (même si contre nature), la CENI mentionne dans son communiqué, que seuls les électeurs devant voter le 21 Décembre, sont ceux dont les bureaux n’ont ouvert, ou fonctionné le 20 décembre.

Cette “exclusion” a engendré une tension dans le chef de quelques électeurs à Goma qui étaient déjà de retour au bureau de vote le matin de jeudi, pour élire. Ne sachant pas gérer les tensions, plusieurs membres de la CENI ont dû s’éclipser, laissant les requérants dans l’embarras. Et face à tous ces défis, Laetitia Kamate Vusara pense que 2023 aura été un “processus électoral de la honte”.

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Plus jamais comme avant

Nombreux ont été déçus mais ils étaient déterminés. A Kanyaruchinya dans le territoire du Nyiragongo, sans courant électrique “les agents de la CENI se sont débrouillés avec leurs téléphones pour que tous les congolais et congolaises participent aux élections”, même d’autres bureaux de vote, à 20h30, après le vote des derniers électeurs, les agents de la CENI ont interdit  “l’utilisation des téléphones ou tout autre appareil même pour les journalistes”, les observateurs et les témoins des candidats…

Pourtant à elle-seule, la mission d’observation électorale des Églises catholiques et protestantes (CENCO-ECC) avait déployé 25 000 observateurs et mis en place un système de compilation parallèle des votes, pour se rendre compte de la crédibilité du processus.

Toutes ces manœuvres sont malheureusement, selon le camp Mukwege, “une préparation en 5 ans, d’un désordre organisé pour mieux tricher”.  Une allégation que rejette pourtant la CENI, qui précisait à la veille des élections via son président, avoir installé à l’athénée de la Gombe à Kinshasa, “un centre de publication progressive des résultats dénommé Bosolo « , comprenez « vérité des urnes »”.

Un peuple déterminé malgré le complot

Depuis les 4 cycles électoraux en RDC, aucun ne s’est passé sans contestation. La population a toujours estimé qu’il y aurait une main noire nourrie par la communauté internationale qui lui impose des dirigeants autres que ceux votés. Plus jamais ça! Ce mercredi 20 Décembre, tout était visible. Même après le vote à Goma par exemple, plusieurs électeurs ont attendu la compilation des résultats, pour s’assurer que seuls les candidats qu’ils avaient voté devaient être ceux qui seraient proclamés vainqueurs par les agents de la CENI. “Même si le Congo est dirigé à l’allure d’une queue sur une bête, sa population le chérit comme personne ne peut l’imaginer”, réagit à cette attitude Daniel MAKASI.

Par ailleurs, dans les conditions normales de la CENI sans perturbations, le calendrier prévoit : la publication provisoire des résultats au 31 Décembre, la publication officielle des résultats par la cour constitutionnelle au 10 Janvier, la prestation des serments au 20 Janvier, les élections des sénateurs et gouverneurs le 24 janvier, l’élection des Bourgmestres au 30 Mars et les Élections des Maires au 25 Mai 2024.

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John TSONGO : cofondateur de la radio Panafricaine, Journaliste et écrivain Africain, passionné des questions de science, d’environnement et recherche des solutions aux problèmes du millénaire

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