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ICCN/Parc des VIRUNGA : Usage de la force, spoliation, ou expropriation militarisée des terres ancestrales ? Les cris inouïs des autochtones de Nzulo - PANA RADIO
ICCN/Parc des VIRUNGA : Usage de la force, spoliation, ou expropriation militarisée des terres ancestrales ? Les cris inouïs des autochtones de Nzulo - PANA RADIO

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Les habitants du village Nzulo, groupement Kamuronza, chefferie des Bahunde, territoire de Masisi, continuent d’accuser l’Institut Congolais pour la conservation de la nature (ICCN ndlr), de lui bloquer l’accès à ses plus ou moins 2538 hectares de ses terres ancestrales. Pourtant, ces habitants disent avoir déjà gagné un procès contre le gouvernement Congolais, en foi de quoi les 2538 hectares leur « ravis » par l’Etat Congo-Belge à l’époque, devraient leur être restitués sans entrave.

Le samedi 22 Janvier 2022, plusieurs habitants du village Nzulo ont même manifesté pour célébrer le jugement RC 20-070 rendu par les cours et tribunaux en faveur de cette population de Nzulo, comme nous l’a affirmé Masungane Gabriel, croisé à Kasengesi, d’où partent les parcelles de la portion en conflit.

Pour leur porte-parole en même temps vice-président du noyau de réflexion du village  Nzulo,  Monsieur Courage Bikanaba Kanane, c’est depuis les années 1948 que l’Institut Congolais pour la conservation de la nature ICCN, a négocié une superficie de 2538 hectares auprès des autochtones de Nzulo, dans le but de l’annexer au parc national des Virunga, qui partage ses limites avec ce coin du territoire de Masisi, notamment dans la localité de Kasengesi.

Sur quel soubassement s’appuie la population de Nzulo ?

En 1948, il y a une convention qui avait été signée entre l’Etat Congo-Belge et nos aïeux de Nzulo, qui cultivaient déjà cette terre depuis des années. Alors comme les Belges savaient qu’il devait y avoir éruption volcanique un moment et que cette lave ravagerait cet espace appartenant à nos ancêtres, le Congo-Belge avait sollicité, que cette terre qui serait ravagée par le volcan soit annexée au parc, pourvu que les villageois soient indemnisés.

D’après toujours le vice-président du noyau de réflexion du village  Nzulo,  Monsieur Courage Bikanaba Kanane, personne ne peut se faire prévaloir avoir droit à la concession de Nzulo, laquelle à plus forte raison, appartient aux habitants autochtones de Nzulo.

Il raconte : « En 1948, il y a une convention qui avait été signée entre l’Etat Congo-Belge et nos aïeux de Nzulo, qui cultivaient déjà cette terre depuis des années. Alors comme les Belges savaient qu’il devait y avoir éruption volcanique un moment et que cette lave ravagerait cet espace appartenant à nos ancêtres, le Congo-Belge avait sollicité, que cette terre qui serait ravagée par le volcan soit annexée au parc, pourvu que les villageois soient indemnisés.

Curieusement, la lave avait coulé et l’Etat Congo-Belge avait annexé la partie, sans qu’elle n’ait indemnisé la population. Mais le document certifié reprenant les closes entre l’Etat Belge et la population, existait.

Consciente qu’elle n’avait pas été indemnisée, la population de Nzulo avait voulu reprendre sa terre, mais avec les troubles de jouissance de la part des éco-gardes à l’endroit des populations, celles-ci avaient été obligées de saisir la justice Congolaise contre l’Etat Congo-Belge. Et voilà suite à l’équité de la justice Congolaise, cette dernière a reconnu le droit et l’a rendu en faveur de la population de Nzulo. Saisi du dossier, le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le Général Ndima Kongba Constant, a procédé par l’exécution volontaire de l’arrêt de la justice. A travers un ordre de mission, le gouverneur militaire  a désigné un géomètre pour aller délimiter la concession appartenant à la population de Nzulo et la séparer des 172 hectares reconnus comme devant revenir à l’Etat Congolais. C’est-à-dire à l’ICCN.

Après mésusage par les agents du service de cadastre, la surface obtenue après délimitation de 172 ha revenant à l’État congolais était l’équivalant de 2538 ha.

Le chef de division du cadastre avec le géomètre qui étaient sur terrain, avaient élaboré un rapport, avec croquis à l’appui. Et voilà, même l’huissier du tribunal de grande instance devait se rendre sur terrain pour se rassurer de l’effectivité de l’action, entre autre, l’exécution volontaire de l’Etat Congolais, chose qui a été faite… » Nous a raconté Mr. Courage, avant de nous signifier que le jugement rendu était accompagné d’un certificat de non appel.

Qu’en pense la population de Nzulo ?

Les populations de Nzulo toutes heureuses, ont salué la décision de la justice, sans pourtant tenir compte de l’aspect « patrimoine mondial de l’UNESCO » qui guette le parc national des Virunga. Elles estiment à ce sujet, que ce n’est pas à l’UNESCO « de décider de la gestion de la terre de leurs ancêtres ».

Les populations de Nzulo toutes heureuses, ont salué la décision de la justice, sans pourtant tenir compte de l’aspect « patrimoine mondial de l’UNESCO » qui guette le parc national des Virunga. Elles estiment à ce sujet, que ce n’est pas à l’UNESCO « de décider de la gestion de la terre de leurs ancêtres ».

« Que cette UNESCO vienne nous montrer là que ses grands pères avaient des collines sur notre sol. Suis un pygmée, j’ai vécu ici depuis des années, c’est d’ailleurs nous qui intronisons les rois ici. Que cette fameuse UNESCO nous laisse tranquilles avec notre terre héritée de nos aïeux … » a lâché, un sexagénaire, au milieu d’une foule munie des machettes, venue défricher une terre supposée déjà «  reconquise, arrachée des mains des prédateurs ».

Population à tort ou à raison,… L’ICCN aux abois ?

Dans ce dossier, l’Institut Congolais n’a certes fait, aucune sortie médiatique. Même sur terrain, à Kasengesi, les éco-gardes ont juste laissé la population faire tout ce qu’elle pouvait… Entre scander des chansons de joie et défricher sur les aires du plein parc, les éco-gardes n’ont fait qu’observer. Nonobstant, dans les couloirs de l’Institut Congolais, l’on dispose d’un gigantesqu’ouvrage qui ret

Dans ce dossier, l’Institut Congolais n’a certes fait, aucune sortie médiatique. Même sur terrain, à Kasengesi, les éco-gardes ont juste laissé la population faire tout ce qu’elle pouvait… Entre scander des chansons de joie et défricher sur les aires du plein parc, les éco-gardes n’ont fait qu’observer.

Nonobstant, dans les couloirs de l’Institut Congolais, l’on dispose d’un gigantesqu’ouvrage qui retrace tous les litiges entre le parc des Virunga et ses riverains. Ce document semble ne pas reconnaitre les allégations de la population de Nzulo.

Selon l’esprit dudit document, il a vécu des négociations entre les populations de Nzulo et l’Etat Congolais, les années 1935 (10 ans suivant la création des Virunga, à l’an 1925). Ces négociations avaient pour objectif, l’atterrissage sur un terrain, en vue de l’indemnisation de la population de Nzulo, quant à ce qui concerne la partie déjà couverte par la lave qui s’étendait sur 2538 hectares. C’est par la suite que l’Etat congolais avait suggéré que si une nouvelle éruption apparaitrait pour la deuxième fois, l’Etat congolais sous l’œil de l’ICCN pourrait coopérer encore avec les riverains ; pour intégrer la partie nouvellement couverte par la lave au parc, sous la bénédiction d’une autre indemnisation bien sûr. Pourtant, depuis 1912 jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de seconde éruption volcanique affectant la partie ouest de la ville de Goma et de surcroît la zone de Nzulo.

Quoi de plus normal que l’ICCN ne se reproche de quoi que ce soit. En conséquence, quoi que tenant mordicus, la population de Nzulo sort à tort et perdante, s’il faut avoir foi en ces révélations couchées dans les colonnes du document de l’Institut Congolais pour la conservation de la nature ICCN.

Divergence entre ICCN et habitants de Nzulo, … une soupe sirupeuse pour les défenseurs environnementaux ?

Dix-neuf jours après les manifestations de jouissance, dans la fièvre d’avoir juridiquement pris le dessus sur l’Etat Congolais dans le dossier 2538 hectares « spoliés », l’alerte congolaise pour les droits humains et l’environnement ACDH, une organisation non gouvernementale pro-environnementale, organise un point de presse et se prononce sur la question.

Son coordonnateur qui allègue comme un farouche avocat de l’ICCN (selon les propos de la population de Nzulo), atténue au départ ses propos, en reconnaissant aux populations locales, le droit de réclamer ses terres… « Il est légitime pour les populations locales, de réclamer leurs droits,… ». Maitre Olivier NDOOLE touche cependant un bémol, dans la suite de son speech : « mais il n’est pas soutenable juridiquement dans un Etat de droit, que ces réclamations se fassent en violation des lois et des procédures en vigueur en République démocratique du Congo » nuance-t-il.

L’ACDH, se dédouane alors sur les autorités : « Alors, pour notre regroupement, par la tenue de ce point de presse, il s’agit de dénoncer le silence coupable des autorités tant au niveau national que provincial, mais aussi une complicité qui se retrace à partir de Kinshasa jusqu’au niveau provincial, qui observent passivement comment des gens occupent de manière illégale des espaces dans les aires protégées…parce qu’il n’y a jamais eu de décision gouvernementale pour déclasser la partie située dans le parc dans la zone de Nzulo  » laisse-t-il entendre.

Dossier judiciaire ? à priser ou à saper ?

S’agissant du fameux dossier sur fond duquel la population de Nzulo se réclame le droit de jouissance sur les 2538 hectares coté parc, « même si on prétendait qu’il y avait eu une décision judiciaire et l’opacité dans laquelle le procès a été mené, où la république aurait été amenée devant les cours et tribunaux ; la république a été condamnée mais l’ICCN n’a jamais été appelé dans le procès. L’ICCN est venu à tierce opposition et à l’heure actuelle, il y a des voix au niveau des hautes juridictions. Et donc, il n’existe pas de décision définitive pouvant permettre une exécution mais aussi au-delà de cela, on ne peut pas mener une exécution forcée contre la République… » Ajoutait alors Olivier NDOOLE de l’ACDH.

Pour avoir des éclaircissements suffisants par rapport à cette question, l’ACDH et ses pairs, ont, révèle Olivier, saisi le président de la République, pour espérer en finir une fois pour toute. Maitre Olivier qualifie d’amalgame, le fait que pareille décision ait pu être rendu contre l’ICCN sans être nulle part ni saisi encore moins convié au procès. « Les autorités doivent en toute urgence, éclairer l’opinion par rapport à cette question, » insiste l’alerte Congolaise sur le droit de l’homme et l’environnement ACDH.

Plus de deux trimestres plus tard, le dossier a rebondit…

Alors que les autochtones jouissaient déjà de « leur terre », en vendant même des parcelles et en mettant en valeur leur foncier, le Gouverneur militaire du Nord-Kivu, le Général Ndima Kongba Constat a signé en date du Samedi 15 Septembre 2022, un arrêté provincial Numéro 01/264/CAB/G-P-NK/2022 DU 15 Septembre, portant suspension des travaux sur le terrain du parc National des Virunga, occupé illégalement au lieu-dit Nzulo, en groupement Kamuronza, chefferie des Bahunde, territoire de Masisi, en province du Nord-Kivu. Ledit arrêté portait le message ci-dessous :

ARRETE :

Article 1er : Sont suspendus jusqu’à nouvel ordre, tous les travaux de construction, d’exploitation agricole et
autres activités incompatibles avec la conservation de la nature dans le Parc National des Virunga, spécialement dans la Zone de Nzulo et ses environs.

Article 2 :

Article 4 :

Les éléments de force de défense et de sécurité sont requis pour porter main forte au Corps chargé de la sécurisation des parcs nationaux et réserves naturelles apparentées. A cet effet, le Commandant de la 34ème Région Militaire, le Commandant 33Groupement Naval, le Commissaire Provincial de la Police Nationale Congolaise et l’Auditeur Militaire Supérieur sont enjoints de mettre à la disposition du Commandant CorPPN/ICCN les éléments pour l’exécution des mesures reprises ci-dessus.

Une force conjointe composée des éléments de l’ICCN, de l’Armée et de la Police Nationale sera mise à contribution pour veiller au maintien de l’ordre et de la sécurité dans la Zone de Nzulo et ses environs.

Tous les actes de cession ou de vente établis sur la Zone précitée, située dans l’aire protégée, sont nuls et de nul effet.

 

Article 5:   Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires au présent Arrêté Provincial.

Article 6 : Le Directeur de Cabinet du Gouverneur, le Conseiller Principal ayant l’Administration du Territoire, la Sécurité, l’Ordre Public et l’Environnement dans ses attributions, le Commandant de la 34ème Région Militaire, le Commandant 3) Groupement Naval, le Commissaire Provincial de la Police Nationale Congolaise, l’Auditeur Militaire Supérieur, le Directeur Provincial de ITCN ainsi que l’Administrateur du Territoire de Masisi sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent Arrêté Provincial qui entre en vigueur à la date de sa signature.

Déjà une force déployée sur terrain sur ordre du Gouverneur

Photo tiers

Faisant suite à l’arrêté du Gouverneur de province, une force mixte composée de 125 éléments dont des Rangers de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), de la Police nationale congolaise (PNC) et des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) a été déployée à Nzulo, ce vendredi 30 septembre 2022.

L’objectif du déploiement de cette force est  d’assurer la mise en œuvre de l’arrêté du gouverneur militaire du Nord-Kivu du 15 septembre 2022 suspendant toute activité n’entrant pas dans les objectifs du maintien du parc et/ou de la conservation de la nature.

Quel sera alors le sort des autochtones ? Quel sera également le sort de ceux qui y avaient déjà payé des parcelles ?

Les populations autochtones ne décolèrent pas !

Vendredi 7 Octobre 2022, plus de 2000 personnes autochtones ont encore manifesté leur colère pour s’opposer à la décision du gouvernement provincial. Ces populations ont barricadé la route entre Mugunga et Mubambiro et ont coupé la relation entre le territoire de Masisi et la ville de Goma.

D’après les autochtones rencontrés en pleine manifestation, la manifestation avait également pour objectif, la chasse de la brigade sécuritaire déployée à Nzulo pour appliquer la mesure du Gouverneur, mais également passer un message à l’ICCN « qu’il n’a aucun droit de vouloir s’arroger des terres ancestrales dont il ne dispose d’aucun droit de jouissance ».

Ces manifestations qui se sont soldées en émeutes entre la brigade et la population, ont fait 3 blessés par balles dans les rangs de la population et coté garde-parc et la population locale condamne ce qu’elle qualifie « d’usage disproportionnel de la force par la brigade à l’endroit d’une population qui était pourtant non armée ».

Pourquoi avoir attendu autant d’années pour réclamer ce droit à la terre ?

Lors d’un entretien à bâton rompu avec quelques autochtones dans les heures post-manifestations, plusieurs révélations nous ont été faites. Akiba MUSEMAKWELI et François MWINJA, deux des grandes cassettes de l’histoire de Nzulo nous ont signifié que les années passées sous latence, étaient pour eux le temps de réunir toutes les preuves, en vue d’affronter l’Etat Congolais avec tous les soubassements possibles.

C’est ainsi qu’en 2002, un procès va commencer pour n’aboutir qu’à 2005 (à la cours d’appel de Goma). En 2012, la même procédure judiciaire  reprend, les autochtones intentent de nouveau un procès en justice, qui ne finira par aboutir qu’en 2019, soit 7 ans plus tard ; par le jugement RC 20-070 rendu par les cours et tribunaux en faveur de cette population de Nzulo, nous ont fait savoir Bikanaba Kanane et Mundeke Musheki Pierre, notables de Nzulo.

Dans le même jugement sur lequel nous sommes pu tomber, le tribunal reconnait à la population de Nzulo, le doit de jouissance de 1110 hectares. Ces 1110 ha sont d’après tout une mesure approximative. C’est pourquoi après délimitation par l’équipe du service du cadastre, la vraie superficie revenant à la population de NZULO après séparation de 172 ha appartenant à l’État congolais avait été de 2538 ha. C’est donc cette superficie qui revient légalement à la population autochtone de NZULO. 

Le jugement prévoit à cet effet, que l’Etat Congolais doit débourser l’équivalent en dollars Américains, de 1 million (1000 000 USD) de dollars en guise des dommages et intérêts, conformément à l’article 258 CCCLIII, et ce en francs Congolais.

Que reprochez-vous à l’Etat congolais contre qui vous avez porté plainte ?

«L’Etat congolais n’a jusqu’aujourd’hui jamais honoré ses engagements.  Premièrement, la convention était telle que l’Etat Congo-Belge devait nous construire 6 citernes d’eau. Il était aussi question de nous construire une université et une école secondaire. La convention prévoyait également la construction des habitats pour la population locale délocalisée jusqu’à Sake. La population devrait également bénéficier du courant électrique… » Explique Mundeke MUSHEKI Pierre, président du comité du « LUTHALE » (fief privé du chef, en langue locale). Mundeke regrette en outre, qu’après tous ces temps de léthargie, l’Etat Congolais n’ait pas pensé à honorer ses engagements. « Je regrette qu’en lieu et place de nous récompenser, l’Etat nous tue. Pourtant, il devait nous féliciter pour avoir attendu et tenu tout ce temps ». A-t-il poursuivi. Aujourd’hui, face à ce que la communauté de Nzulo qualifie de non crédibilité de l’Etat dans ce dossier, cette dernière estime qu’il est inopportun de penser à l’indemnisation. Ce qui lui importe, c’est la restitution de sa terre, ou rien.

Avant d’intenter le procès contre le gouvernement congolais, y avait-il eu des échanges autour de la question ?

« Non ! » a rétorqué Bikanaba KANANE Courage, notable et vice-président du noyau de réflexion du village  Nzulo. Il justifie cette façon de faire par le fait que Nzulo ne reconnait pas l’ICCN dans ce dossier. Plutôt l’Etat Congolais et qu’il était donc hors des questions d’associer l’ICCN de quelle manière que ce soit à des quelconques tractations ayant trait à des questions de Nzulo. Par conséquent, « l’ICCN s’est invité dans le dossier et fait donc entrave à l’application du jugement des cours et tribunaux, rendu en faveur de la population de Nzulo, ce qui est aussi une infraction », a laissé entendre Bikanaba.

Gain du procès, couloir ouvert à la vente des terres !… Précipitation, violation des lois coutumières ou peur d’expropriation ?

Après la mission de délimitation de la partie des terres appartenant à la population de Nzulo conformément au prescrit du jugement, les populations de Nzulo ont morcelé leurs terres. Les unes ont vendu, d’autres ont construit et d’autres encore ont  valorisé leurs portions par l’agriculture. Le vice-président du noyau de réflexion du village  Nzulo justifie cette attitude par le plein droit réservé aux autochtones sans aucune interférence, de décider de la gestion de leur propre patrimoine. « La terre nous appartient. C’est à nous de savoir comment la gérer. Et dans beaucoup des cas, plusieurs autochtones ont vendu, pas pour une simple fantaisie, mais pour se tailler juste des moyens de bord pour une mise en valeur de leurs portions des terres, leur attribuées juste après le partage. » A allégué Courage. « Ce n’est donc pas à cause de la peur que nous avons vendu. Parce que même cet ICCN qui s’illustre par des troubles de jouissance, n’a aucun soubassement juridique pour se réclamer un quelconque droit de propriété sur notre terre ancestrale de Nzulo ». A poursuivi Bikanaba.

Et si l’ICCN gagnait ? Que serait votre attitude en tant que population autochtone ?

Cette question a été depuis des temps celle qui a préoccupé le moins, la population de Nzulo. « Nous avons confiance en notre justice. Le jugement a déjà été rendu à notre faveur. Il a d’ailleurs été accompagné d’une attestation ou mieux si vous voulez, d’un certificat de non appel. Et nous savons tous, que personne n’est au-dessus de la justice, et par ricochet, de la loi. Dire que l’ICCN pourrait un jour gagner, je ne pense pas. Surtout que nous n’avons jamais eu de problème avec l’ICCN, sinon l’Etat Congolais, alors Congo-Belge à l’époque. » A expliqué Bikanaba.

Quelles solutions envisagez-vous pour résorber cette crise de Nzulo ?

 Cette question a bénéficié de trois réponses émanent des différentes catégories des sources interrogées.

  1. « Que l’ICCN cesse d’interférer dans ce dossier. Car il n’y est pour rien. Qu’il nous laisse jouir de notre droit ancestral. A mesure il nous agace, à mesure il s’attire des ennuis inutiles… ». Ont opiné de façon unanime, les populations rencontrées à Nzulo-même. Pour elle, la seule solution face à ce problème, c’est laisser la laisser jouir de sa terre, sans interférence aucune de qui que ce soit, y compris l’ICCN.
  2. La solution à cette crise de Nzulo se traduit par « une mobilisation et le respect de la légalité », soutient Maitre Olivier NDOOLE de l’ONG Alerte congolaise pour le droit de l’homme, ACDH.
  3. « S’ils veulent réellement mettre fin à cette crise, qu’ils réunissent le gouverneur comme représentant personnel du président de la République, le chef de la chefferie des Bahunde, le Mwami Nicolas KALINDA, et le tribunal pour statuer sur la question en vue de trouver une issue favorable. Ça sera également l’occasion de décider de la nature des indemnités à donner aux populations autochtones, victimes de ce conflit depuis des années… » soutient pour sa part, le Mundeke MUSHEKI Pierre, président du comité du « LUTHALE » (fief privé du chef, en langue locale) et l’un de ceux qui ont accompagné la communauté de Nzulo durant toutes les phases du procès.

Destruction méchante, mort d’hommes, tortures,… l’ICCN dans les viseurs ?

L’ICCN accuse toujours la population de Nzulo, de violer intentionnellement les limites du parc. Et la population de Nzulo accuse l’ICCN de lui exproprier ses terres ancestrales. Dans ces jeux de ping-pong entre ces deux parties prenantes, l’ICCN s’adonne à la destruction des cultures des populations autochtones, démolit ses édifices et la pourchasse.

L’ICCN accuse toujours la population de Nzulo, de violer intentionnellement les limites du parc. Et la population de Nzulo accuse l’ICCN de lui exproprier ses terres ancestrales. Dans ces jeux de ping-pong entre ces deux parties prenantes, l’ICCN s’adonne à la destruction des cultures des populations autochtones, démolit ses édifices et la pourchasse.

Pire encore, des morts côté civils dans le dossier de Nzulo !

En Avril 2022, l’ICCN a ouvert le feu sur un autochtone pygmée du nom de MUTIFU ETOO qui est mort sur place. « Alors que l’ICCN n’avait pas encore fini à indemniser l’un des nôtres, voilà qu’il vient de blesser encore trois personnes dans la manifestation d’aujourd’hui… » S’est exclamé un manifestant.

Quelques 7 jours plus tard, Evariste BIRAGI, l’un des trois manifestants blessés a succombé de ses blessures. Pendant ce temps, Kikuru Bahati blessé à sa main et Fumbu SAVIRE suivent les soins et se rétablissent peu à peu, nous a confié Gabriel Ntila, un des notables de Nzulo. « Et, un jour, il faudra que l’ICCN réponde devant la justice pour tous ces crimes. Mais pour l’instant il doit d’abord nous laisser jouir librement de notre terre… Parce qu’à dire vrai, il nous a déjà suffisamment causé des dégâts.  Pour l’instant, nous comptabilisons plus de 150 maisons démolies méchamment par l’ICCN et  plus de 70 hectares des vivres des autochtones, dévastés toujours par l’ICCN » S’est exprimé Bikanaba, remémorant les dommages nés de la crise de Nzulo.

Achat des parcelles à Nzulo,… Pour quel risque ?

Rencontré pour cette fin, Monsieur Héritier, a avoué s’être déjà payées quelques parcelles auprès des autochtones à Nzulo. Il affirme par ailleurs être prêt à toute éventualité. Il garde de ce fait un sang-froid, pour avoir depuis longtemps œuvré dans le monde du foncier.

Evolution du dossier, quid sur le plan judiciaire ?

Pour comprendre cet aspect du dossier, nous avons cherché à rencontrer sans y parvenir, les avocats des deux parties impliquées. Toutefois Coté ICCN par exemple, une source anonyme nous a signifié en expliquant je cite : « Comme vous le savez, le jugement prétendument rendu en faveur des habitants de Nzulo, avait été fait contre la république. Et là, il y a des choses à dénoncer et qui ont été dénoncées, et même des juges qui ont été complices par rapport à cette situation. Et à part cela, il y avait des intérêts : L’ICCN comme Institution de l’Etat qui a mandat de veiller sur les aires protégées, n’était pas parti à ce premier procès. C’est de cette manière qu’il a introduit une action à tierce opposition contre ce jugement qui était rendu au préjudice de ses biens, notamment le parc national des Virunga, et c’est à ce niveau-là que le dossier traine encore.  L’ICCN avait suspecté la cours d’appel du Nord-Kivu parce qu’il avait prétendu qu’elle y avait des intérêts, c’est une procédure prévue par la loi. Et l’affaire a été envoyée au niveau de la cours d’appel du haut-Lomami, et encore l’ICCN a suspecté la cours de Haut-Lomami, et donc l’affaire reste au niveau de la cours de cassation jusqu’à présent, pour se prononcer par rapport  à cette affaire… » Fin de citation.

Mais En dépit du jugement rendu en faveur de la population, celle-ci ne jouit toujours pas de sa terre… Pourquoi ?

C’est d’ailleurs l’absence de la réponse à cette question, qui fait que jusqu’aujourd’hui, le conflit prenne toujours ses aises. Nous avons à cet effet, posé la question à Maitre Olivier NDOOLE, avocat vert et coordonnateur de l’alerte congolaise pour le droit de l’homme ACDH. Il nous a répondu en ces termes : « Une décision judiciaire ne désaffecte pas un bien de l’Etat.  Même si cette décision était non attaquable, les biens de l’Etat ne doivent pas être cédés sans être désaffectés. Et la désaffectation se fait à travers des décisions administratives. Pour le cas du parc, ça doit être un décret qui désaffecte une partie du parc national des Virunga. Dans le cas d’espèce pour un parc, il y a toute une procédure au niveau de l’assemblée,  pour arriver au déclassement. Ce qui n’a pas encore été fait », Nous a-t-il fait savoir.

Résurgence du dossier de Nzulo, Constant Ndima y-est-il pour quelque chose ?

Nos efforts pour entrer en contact avec le Gouverneur de province n’ont certes pas payé. Mais une source indépendante consultée dans ce sens, a laissé entendre qu’en ordonnant à une équipe d’aller délimiter la partie due à la population de Nzulo et revenir sur la même décision par la suite, ne veut pour autant pas dire que l’autorité provinciale a une part de responsabilité dans ce qui prévaut. Ses attitudes dans ledit dossier découlent d’une erreur en laquelle elle été induite par « ceux  qui prétendent avoir une décision définitive ». « C’est comme ça que l’autorité provinciale, après s’être rendue compte qu’avant elle avait été induite en erreur, par les mêmes parties qui prétendent avoir une décision définitive, elle a ; elle-même avec le concours des autorités nationales, estimé qu’il fallait stopper cet envahissement du parc national des Virunga dans sa partie de Nzulo »… A confié cette source.   

Nzulo, entre conflits, crises et dégâts… qu’en sait et dit le Chef coutumier ?

Pour chercher à savoir plus de ce que le chef coutumier de la chefferie des Bahunde maitrise de ce dossier, et ce qu’il pourrait envisager comme solutions, nous avons rencontré le Mwami Nicolas KALINDA KIBANJA. Mais hélas, le Mwami ne nous a pas donné assez d’explications. « Il y a un arrêté qui a été signé par le Gouverneur de Province, par rapport à cette question de Nzulo. Mais je crois que l’arrêté n’annule pas le jugement qui est déjà rendu. Les autochtones ont interjeté appel, je crois que c’est après les résultats de ces démarches, que nous aurons à argumenter là-dessus… », Nous a dit le Mwami.

Gérées par l’Institut Congolais pour la conservation de la nature ICCN, les aires protégées de la RDC sont au total composés de 9 parcs nationaux et de 63 domaines de chasse et réserves. Elles couvrent  10,47 % du territoire national.

Mais avec l’expansion démographique que connait actuellement l e pays, ces aires sont de plus en plus sous menaces des activités anthropiques, situation à la base des conflits entre l’ICCN et les riverains de ces aires. Le parc des Virunga, l’un des plus concernées par cette réalité, connait des litiges presque sur toutes ses frontières, y compris la région de Nzulo en territoire de Masisi.

Mais que dit la loi congolaise en matière de désaffectation d’une partie d’une aire protégée ?

Dans la loi n° 14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature, le législateur Congolais définit que dans certains cas définis par des textes légaux, les autorités compétentes peuvent, dans les circonstances définies à l’article 20, décider d’accorder certaines dérogations. Ci-dessous lesdites explications.

Article 20

« Sans préjudice des dispositions de l’article 19 de la présente loi, l’organisme public prévu à l’article 36 peut, à titre exceptionnel et dans les aires protégées qu’il gère, accorder des dérogations notamment :

1) dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;
2) dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique, ainsi que de la sécurité alimentaire des populations riveraines des aires protégées ;
3) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;
4) à des fins d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;
5) à des fins de recherche scientifique et de bioprospection.

Il en informe le ministre ayant la conservation de la nature dans ses attributions. »… Reste alors à savoir, si en dehors de sa particularité, le cas de Nzulo pourrait être concerné par ces dispositions légales telles que reprises à l’article 20.

John TSONGO

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