Partie intégrante du bassin du Nil, le lac Kivu et la rivière Ruzizi sont sous menace de la pollution plastique. Cette pollution s’accentuant, est aujourd’hui à la base d’un déficit énergétique évalué à 26,3 méga watts d’électricité produite par les centrales hydroélectriques Ruzizi I et II. Cela présente de facto un impact négatif sur le bassin du Nil, car sans énergie électrique, la population riveraine s’adonne à la déforestation, affectant négativement la qualité et la quantité des eaux du bassin. Comment cette évidence s’explique-t-elle ?
La pollution plastique, écrivent les Journaux Le Monde et Lacroix, demeure encore un fléau qui échappe au contrôle des citoyens du monde, dans un contexte où 50 % des déchets sont stockés dans des décharges contrôlées ; 19 % sont incinérés ; et 9 % seulement subissent le recyclage.
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Aujourd’hui, les scientifiques regroupés au sein de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), ont révélé que dans le monde, plus de 5000 Milliards de débris de toutes tailles se trouvent sur les eaux des mers, des océans, des lacs, des rivières et des fleuves. Ces scientifiques assurent tout de même que ces chiffres ne sont que marginaux.
Alors qu’en 2019, le monde n’avait produit qu’autour de 460 millions de tonnes de matières plastiques rapporte toujours la NOAA, cela équivalait au double de la production de l’an 2000 et ces statistiques pourraient tripler d’ici à 2060, si une politique holistique visant à endiguer ce phénomène ne sera pas mise en place, alerte pour sa part l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Qu’en est-il du lac Kivu ?
Avec les plus ou moins 11 millions d’habitants, qui vivent sur les hauteurs du bassin du lac Kivu et de la Ruzizi dont 6,8 millions d’habitants en RDC soit (62 %), 2,5 millions au Rwanda soit (23 %) et 1,7 million au Burundi soit (15 %), selon les statistiques de l’autorité du bassin du Lac-Kivu et de la Ruzizi ABAKIR de 2020, le bassin du lac Kivu qui est aussi partie prenante à celui du Nil, subit une pression anthropique très importante et celle-ci s’accompagne de la pollution plastique, œuvre de cette population.
Ampleur de la pollution
La pollution de l’eau du lac Kivu et de la rivière Ruzizi constitue « un problème majeur qui menace la ressource en eau du bassin », explique Charles HAKIZIMANA, coordonnateur adjoint chargé de programme au sein de l’ABAKIR. A l’en croire, l’exploitation des minerais, les érosions provoquées par les riverains du bassin, le jet dans les eaux, des déchets solides et liquides, les pesticides, les engrais chimiques et autres, toujours par les riverains, « présente une menace sur la biodiversité du bassin, y compris les êtres aquatiques ».
Ainsi, « les ressources en eau dont nous disposons sont en danger, du moment que la biodiversité est menacée suite à un manque du couvert végétal suffisant autour du bassin, œuvre des habitants environnants », regrette-t-il.
Impact de la pollution
Lorsqu’elle pollue, la population n’en mesure souvent jamais les risques. Mais cela a plusieurs fois été déjà démontré par scientifiques, médecins et chercheurs. Voilà pourquoi il a plusieurs fois été établi que la pollution plastique a des effets fâcheux sur la santé humaine et celle des êtres aquatiques, la biodiversité dans son ensemble et j’en passe.
Impact sur la santé humaine
Dans différents de leurs communiqués, l’observatoire volcanologique de Goma OVG et l’Institut national des recherches biomédicales INRB, n’ont cessé d’attirer l’attention de la population sur les conséquences cancérigènes liées à la pollution plastique du lac Kivu, là d’où provient la majeure partie de l’eau consommée en ville de Goma.
« L’exposition ces substances plastiques provoque des troubles du système nerveux, des atteintes au système reproductif, et les troubles de développement, des cancers, leucémies et impacts génétiques telle que l’insuffisance pondérale à la naissance », écrit également à ce sujet, « the center for international environnemental Law ».
Impact sur les êtres aquatiques
Etant donné que le lac Kivu est entouré par des agriculteurs, parmi eux, ceux qui recourent aux pesticides pour cultiver la tomate surtout du côté de Minova et ailleurs, Charles HAKIZIMANA, soupçonne que cela pourrait également avoir des effets sur l’écosystème lacustre et entrainer la mort des espèces aquatiques, au-delà de la pollution plastique.
Le coordonnateur adjoint en charge des programmes au sein de l’ABAKIR, remémore pour consolider son argument, le phénomène survenu sur le lac Kivu entre le 3 et le 5 juin 2022, où des centaines des poissons avaient été retrouvés morts, flottant sur les eaux au niveau du golf de Kabuno. Mais quoi que les origines de ce phénomène avaient fait penser d’abord à la concentration du gaz carbonique dans cette partie, ensuite à l’empoisonnement des eaux et enfin à des troubles extrinsèques, l’enseignant en département de biologie à l’Institut Supérieur pédagogique ISP Bukavu, Pascal Masilya, avait expliqué que ce phénomène avait été plutôt dû « à un retournement des couches qui étaient en profondeur qui sont montées à la surface. Ce qui a provoqué une certaine dilution en concentration d’oxygène. Les poissons ont été surpris et cette chute brutale d’oxygène a provoqué cette mortalité », conclut l’enseignant du département de biologie à l’ISP.
Par ailleurs, l’impact de la pollution plastique sur les espèces halieutiques est réel. La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) note à ce sujet, que plusieurs poissons ont été retrouvés avec des particules des plastiques dans leur organisme, résultant directement de la pollution plastique.
Et sur le lac Kivu, tel est aussi une réalité d’après l’OVG, quoique cela n’ait jamais été suffisamment documenté.
Pollution plastique sur le Lac Kivu, des milliers d’habitants privés d’électricité
La pollution plastique sur les eaux du lac Kivu et de la rivière Ruzizi, fait que les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et une partie du Burundi, soient privées de 26,3 MW d’électricité, tout simplement parce que les déchets plastiques accumulés au niveau de la centrale, de la Ruzizi I et II, et provenant du bassin versant, ont entraîné la panne des alternateurs qui produisent du courant.
“L’impact est énorme, nous avons un déficit de 6,3 mégawatts (MW) sur un total de 30 MW que nous devons produire, pas seulement pour la province du Sud-Kivu, mais aussi pour la province voisine du Nord-Kivu et le Burundi”, regrette Liévin Chizungu, agent à la société nationale d’électricité, affecté à la centrale de la Ruzizi.
A cela s’ajoute, poursuit-il, « la panne d’alternateur de la centrale de Ruzizi II, à environ 25 kilomètres au sud de Bukavu, provoquée elle aussi par des déchets plastiques, ce qui entraîne un déficit de 20 MW sur le réseau de distribution », indique Chizungu, ce qui porte le déficit du courant à 26,3 MW perdus suite à la pollution plastique.
Impact de la pollution des eaux du lac Kivu sur le bassin du Nil
Le Lac Kivu fait-il partie du bassin du Nil ? C’est en répondant d’abord à cette question que l’on doit avoir une idée sur ce qui est à dire dans cette partie de l’article. En fait, les eaux du bassin du Nil comprennent principalement celles du lac Kivu et de la rivière Ruzizi alimentées en grande partie par des affluents prenant naissances sur la crête du bassin du Nil du côté République Démocratique du Congo.
Cela fait que tout ce qui dérange les eaux de la Ruzizi et du lac Kivu, dérange le bassin du Nil tout entier. Intervenant dans un atelier axé sur « la gestion de la biodiversité et des écosystèmes du bassin du Lac-Kivu de la ville de Goma », tenu à Goma même du jeudi 25 à ce Vendredi 26 Aout 2022, le chef de travaux Emmanuel Kulimushi, enseignant à l’université de Goma UNIGOM, avait expliqué que suite à la pression démographique de plus en plus croissante autour du bassin du Kivu et de la Ruzizi, les deux ressources en eaux devenaient de plus en plus un dépotoir des déchets multiformes y compris plastiques. Et cela présente un impact négatif sur la quantité et la qualité de l’eau du lac, regrette pour sa part Charles.
Ce scientifique avait démontré que cette pollution touche tous ceux qui dépendent de ces deux ressources, sans se passer du bassin du Nil dans son ensemble.
Liens entre la pollution plastique, le manque d’électricité, la déforestation et la mise en danger du bassin du Nil
La pollution plastique est à la base du manque d’électricité, alors que le manque d’électricité entraine la déforestation, ce qui met en danger le bassin du Nil, notamment en réduisant le régime et la quantité hydriques, quand on sait que la végétation influence les précipitations et que les précipitations génèrent régulièrement l’eau devant alimenter le bassin. L’autorité de régulation du bassin du Lac Kivu et de la rivière Ruzizi fait savoir que les forêts primaires incluant les forêts de Nyungwe-Kibira, les forêts de Kahuzi-Biega et celles des volcans Virunga influencent au plus haut point le volume du bassin du lac Kivu et de la rivière Ruzizi.
En effet selon l’ABAKIR, « le volume d’eau captée par ces forêts varie considérablement en fonction du régime pluvial, de la situation topographique, de la fréquence ou de la persistance des nuages et de la quantité de nuages poussés par le vent. Il peut être de l’ordre de 15 à 20 % dans les zones recevant 2000 à 3000 mm de précipitations par an, et jusqu’à 50 à 60 % dans les crêtes exposées et les zones à faible pluviométrie ». C’est encore un argument de plus, que sans les forets tout autour du bassin, la quantité et la qualité des eux en souffrent directement.
En outre, dans sa politique, le gouvernement congolais mise sur la promotion des énergies renouvelables, qui tiennent compte de la survie de l’environnement. Le gouvernement se convainc à ce sujet, qu’en desservant sa population en électricité, celle-ci a l’obligation de s’en servir pour cuisiner et ainsi ne plus recourir au charbon de bois.
Car à lui seul, le charbon de bois est à la base d’énormes dégâts de déforestation du bassin du Kivu, et par ricochet, du Nil. Des données sous-estimées disponibles Ici, rapportent que seule la ville de Goma consomme plus ou moins 28 de braise par semaine, soit l’équivalent de de 146 gros arbres, c’est-à-dire plus ou moins 1 hectare d’arbres coupés par semaine suite à la carbonisation pour alimenter la ville touristique de Goma en charbon de bois.
Par ailleurs, la zone périphérique du lac Kivu couverte par 1 545 100 ha de forêts primaires incluant les forêts de Nyungwe-Kibira, les forêts de Kahuzi-Biega et celles des volcans Virunga, est toujours menacée par la pression démographique qui elle-aussi s’en prend régulièrement au couvert végétal influençant négativement de ce fait, le régime hydrique du bassin du Kivu.
A ces facteurs d’accélération du déboisement s’ajoutent également l’activisme rebelle dans le parc des Virunga surtout, où les rebelles sont accusés par le gouvernement Congolais comme nous le décrivons dans cet article, d’abattre drastiquement les arbres de cette aire protégée pour des fins de carbonisation et de trafic illicite du bois.
Même si les vraies statistiques d’exploitation du bois autour du lac Kivu ne sont pas connues, des études ont révélé que les grandes agglomérations (comme Goma) qui se partagent le bassin du lac Kivu, utilisent de la braise en provenance de plusieurs milieux, certes, mais les zones comme Idjwi, Kalehe, Minova, et ailleurs sont aussi pourvoyeuses, ces endroits qui font pourtant partie du bassin du lac Kivu.
Que faire pour changer la donne ?
Si le monde et la RDC en particulier veut s’engager sur ce front de lutte contre la pollution plastique, il ne doit pas être question de singulariser la lutte. Car, au-delà d’être locale, elle est à tout prix mondiale.
Du lundi 29 mai au Vendredi 3 Juin à Paris en effet, les représentants de 175 pays et parties prenantes (ONG, industries, etc.) ont tenu le forum mondial sur la pollution plastique dans les eaux. L’idée était entre autre de tenter de s’accorder « sur les bases d’un futur traité international sur le plastique », dans l’objectif de mettre fin à la pollution plastique d’ici à 2040. Cette fois-ci, « la communauté internationale a décidé de rêver grand », s’exclamait alors à ce point, le Monde, rapportant le contenu dudit forum sur la pollution plastique.
Mais faut-il rester dans les slogans ?
Sinon, le scénario sur la lutte contre la pollution risque d’être le même que celui des Etats parties à l’accord de Paris sur le climat, autour de la réduction des gaz à effet de serre, dans la lutte contre le réchauffement climatique, définis en 2015 lors de la cop 21.
Pour la pollution, la lutte doit être intra et intergouvernementale, intra, inter et multisectorielle, mais aussi intergénérationnelle, pour espérer aboutir aux résultats escomptés et probants.
Au niveau des Etats, l’on doit par exemple se mettre d’accord sur la mise en place des politiques d’instauration d’une police environnementale, pour traquer tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent à la pollution. Ils doivent par exemple, mettre en place des chartes d’interdiction de production et de trafic des emballages plastiques, et/ou qui encouragent et financent des projets de confection d’emballages biodégradables d’un côté et qui travaillent dans le recyclage ou la réutilisation des déchets, de l’autre.
A cette matière, le consultant en journalisme vert, Daniel Makasi préconise, abondant dans le même sens que Gédéon, conseillent que les peuples du monde devaient se familiariser à l’usage des emballages en carton, en nilon, ou en raphia, susceptibles de se dégrader.
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Les Etats du monde doivent en commun, assoir des programmes medias de sensibilisation des communautés locales sur l’impact à court, moyen et long terme de la pollution sur l’écosystème, la santé et la biodiversité.
Pour le cas singulier du lac Kivu par ailleurs, les efforts de lutte contre la pollution plastique qui visent l’amélioration de l’accès à l’eau, la disponibilité de celle-ci en quantité et en qualité, doivent aussi se focaliser selon Manassé LWIMO de la Deutsche Gesellschaft fur International Zusammenarbeit, « GIZ », inclure la restauration des écosystèmes détruits; l’exploitation et le développement de l’hydro-électricité; l’accompagnement des efforts visant à inciter les riverains à une agriculture qui tienne compte de la lutte contre les érosions sur les bassins versants du lac Kivu, et la limitation des pesticides qui pourraient présenter un danger sur les espèces halieutiques du lac.
John TSONGO, Journaliste environnementaliste, écrivain, chercheur et cofondateur de la radio Panafricaine